Mode : qui sont les grands gagnants de la crise ?
Après être entré en résistance en 2020 au moment de la pandémie mondiale, le monde est passé par des phases de renaissance et de reconstruction. Qui, parmi les grands acteurs de la mode, ressort du côté des perdants et des gagnants et quelles leçons en tirer ? Eléments de réponses avec Katia Cahen, Responsable du marketing intelligence chez ¹ú²úAV.
Le luxe et le sportswear sont les deux secteurs qui apparaissent comme les gagnants de la crise
Le luxe ressort incontestablement comme le grand gagnant du Covid-19. Pourquoi ? Tout d’abord parce que ses acteurs ont su se réinventer tout en gardant leurs fondamentaux. Ils ont su aller au-delà de leur image, enrichissant leurs expériences clients à la fois dans le virtuel comme dans le réel.
Cette adaptation rapide leur a permis de compenser les pertes liées à l’arrêt du tourisme et aux achats des voyageurs gros consommateurs de produits de luxe et, d’autre part, les a rapprochés d’une clientèle plus jeune et résolument tournée vers le digital.
Bilan : Le luxe en ligne a doublé son poids sur le marché en 2020, performance valant 5 années de croissance, selon . Au global, nous constations une croissance de +15 % entre 2021 et 2019, et les estimations de 2022, varient entre 15 à 25% [comparé à 2019] selon le .
Qu’en est-il du sportswear ?
Le sportswear, associé au secteur du comfort wear, est l’autre grand gagnant de la crise. Déjà en forte croissance avant 2020, le Covid-19 a amplifié cette performance. Du fait des confinements et autres restrictions de circulation, les consommateurs ont massivement acheté des joggings et autres tenues de sport pour rester chez eux dans des tenues confortables. Dans le même temps, ils ont aussi investi dans d’autres accessoires pour continuer à s’entretenir, notamment des baskets ou des tapis de yoga. Une façon de se rassurer et de se sécuriser.
« Le télétravail a remisé le costume-cravate au placard. »
Certains secteurs ressortent très fragilisés par la crise. Lesquels et pour quelles raisons ?
Clairement, la crise a accentué les phénomènes pour les gagnants mais aussi pour les perdants. Ainsi, les secteurs du prêt-à -porter et du costume-cravate ont vu leur situation empirer pendant la pandémie.
Le prêt-à -porter affiche une perte de 34 % de croissance en 2021 au profit des segments comme les accessoires et la joaillerie, autant d’achats impulsifs dits de réconforts et de plaisirs. Il en va de même pour le formal wear dont le business model était déjà mis en péril lui aussi avant la crise, avec la mode du friday wear. Une fin précipitée par les confinements et l’essor du télétravail qui a donc remisé le costume-cravate au placard.
« Le realtime fashion, c’est un mélange d’Apple et d’Amazon. »
Qui sont les grands gagnants par business model ?
Les gagnants par business modèles sont au nombre de trois : le realtime fashion, les marques engagées et enfin la smart fashion.
- Le realtime fashion pour trois raisons principales : des prix abordables, un choix incomparable et une forme d’addiction de la génération Z complétement accro aux réseaux sociaux.
C’est un mélange d’Apple et d’Amazon : Apple par le contrôle de l’image et de la chaine de valeur, Amazon par la politique de prix agressive et la maitrise de la logistique. - Les marques engagées qui se situent à l’opposé des précédentes : elles prônent la durabilité, produisent à la demande par petites séries, privilégient un sourcing de proximité et mettent le développement durable au cœur de leur business model.
- La smart fashion : un business modèle de marques qui réussissent la prouesse écologique et économique d’avoir une politique engagée et écoresponsable, tout en étant rentable ! C’est le côté smart : un mix gagnant d’une image (de marque) engagée très forte d’un côté avec des ambitions affichées en terme de chiffres d’affaires et de volumes tout aussi importantes. Pour cela, ces marques ont placé les innovations techs et l’expérience client au cœur de leur stratégie.
Par zone géographique, qui sont les grands gagnants ?
Les Etats-Unis et la Chine ressortent comme les deux locomotives du commerce mondial, boostées par leur marchés internes respectifs et leur maturité sur le e-commerce. Deux principales explications : la flexibilité de l’emploi du côté des Etats-Unis et, pour la Chine, la quasi-impossibilité de sortir du pays qui a amené la clientèle à se consommer en interne.
Et qu’en est-il de l’Europe ?
Pour l’Europe, c’est plus nuancé. Son marché a de fortes disparités au niveau de sa maturité technologique et le digital –et plus particulièrement l’e-commerce- y est plus faible qu’en Chine ou aux Etats-Unis.
Mais l’année 2021 aura connu une très forte croissance en Europe, poussée notamment par une très forte épargne qui a permis de soutenir l’économie et d’avoir des chiffres très positifs, en particulier sur le marché de la mode.
A chaque fois et pour chaque registre, nous avons l’impression d’un clivage des modèles.
Absolument : nous assistons à une polarisation des idées, des besoins et aussi du marché de la mode, avec une binarité des business modèles et des messages qui s’opposent:
- Slow vs Fast ;
- Achat raisonné vs achat compulsif ;
- Quête de sens vs quête de plaisir ;
- Fin du monde vs fin du mois ;
- In Real life vs. virtuel.
Autant d’exemples de polarisations qui expliquent les difficultés et les défis du secteur de la mode aujourd’hui. La mode est un melting-pot d’origines, de personnes et d’histoires. Les gagnants de demain seront ceux qui, dès maintenant, mèneront leur business avec de la vision, de l’agilité, mettront la connaissance client et le digital au centre de leur croissance, établiront une image de marque, le tout avec transparence.